Mises en place depuis 2019 dans de nombreux « Quartiers prioritaires de la Politique de la Ville » (QPV), les cités éducatives arrivent dans les Alpes-de-Haute-Provence avec la création de celle de Manosque, annoncée pour la rentrée prochaine.
Dans les écoles de la ville (hors celle des Combes, du Colombier, des Tilleuls et bien entendu l’école internationale) les enseignant·es sont appelées à élaborer des projets, tandis que la mairie fait passer des questionnaires de satisfaction aux parents d’élèves et aux élèves eux-mêmes pour évaluer leur école.
Mais ces cités éducatives ont tout de la fausse bonne idée. Si elles prétendent réunir la communauté éducative (établissements scolaires, collectivités territoriales, services de l’État, associations, clubs sportifs, etc. ; mais aussi parents d’élèves) autour d’une classe d’âge, afin d’assurer une continuité « diachronique » (sur le temps long) et « synchronique » (entre acteurs éducatifs), on est bien loin d’une véritable politique éducative globale – que ce soit en terme d’objectifs ou en termes de moyens.
Les questionnaires adressés à la population par la mairie de Manosque donnent le ton : on les y invite à donner leur avis, entre autres, sur les relations enseignant·es / parents, sur leurs inquiétudes concernant la scolarité de leurs enfants (avec au moins une inquiétude en saisie obligatoire). Et les premiers objectifs affichés ne sont pas rassurants : il s’agirait de donner une « identité » spécifique à chaque école, autour d’un thème central. Les projets déposés par les enseignant·es dans le cadre de cette « identité » pouvant permettre d’obtenir des fonds (mais l’expérience des collègues d’autres départements montre que cela est loin d’être garanti).
On voit bien où tout cela nous mène : mise en concurrence des écoles et des enseignant·es, contournement de la carte scolaire, dynamique mortifère de l’appel à projet où le temps passé à chercher des fonds se substitue au temps pédagogique.
Une note de l’INJEP (Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire) de 2022 soulignait déjà « l’absence de vision homogène », « le manque de cohérence des actions développées » et « la tendance au renforcement des partenariats préexistants plutôt qu’à l’émergence de nouveaux acteurs » des cités éducatives ; ainsi que « le manque de perspectives à long terme et de moyens humains qui limite le programme au rôle de levier financier ».
À la FSU-SNUipp 04, nous promouvons depuis toujours, dans les QPV comme ailleurs, l’ouverture de l’école aux partenaires éducatifs (parents d’élèves bien sûr, mais aussi acteurs sociaux, de l’enfance et de l’éducation populaire) ; nous sommes persuadées que la cohérence de la communauté éducative autour d’une classe d’âge est essentielle et nécessite du temps de travail en commun pour la mettre en œuvre ; nous exigeons de vrais moyens et financiers pour la réussite de tous les élèves…
Mais nous ne sommes pas dupes : sous les dehors d’une politique éducative soit disant émancipatrice et derrière la promesse de moyens supplémentaires pour l’éducation prioritaire, la cité éducative qui s’annonce cache une logique de mise en concurrence des écoles et des enseignant·es ; ainsi qu’une mise sous tutelle financière menaçant très clairement la liberté pédagogique.
Assez de ces « projets innovants » cache-misère et inégalitaires : donnons les moyens à tous les acteurs de l’éducation de travailler, ensemble, à l’émancipation et à la réussite de tous les élèves !